Playing around with the vocoder and the recording of a lecture on the body by Michel Foucault not only made me newly aware of the poetic quality of Foucault’s text but also made me think about one of his most beloved films, Werner Schroeder’s 1972 DER TOD DER MARIA MALIBRAN, a film about which Foucault said:
„What Schroeter does with a face, a cheekbone, lips, and an expression in the eyes has nothing to do with sadism. It is more a reduction, a granulation of the body, a kind of autonomous exaltation of its smallest parts, of the minutest potentials of a fragment of the body. The body becomes anarchic, and hierarchies, localizations, and des- ignations, organicity, if you like, all come undone.“
A video poem for Evelyn Kreutzer’s MOVING POEMS initiative and further inspired by the work of Dayna McLeod.
Spoken text:
„Mon corps, en fait, il est toujours ailleurs, il est lié à tous les ailleurs du monde, et à vrai dire il est ailleurs que dans le monde. Car c’est autour de lui que les choses sont dis-posées, c’est par rapport à lui – et par rapport à lui comme par rapport à un souverain – qu’il y a un dessus, un des-sous, une droite, une gauche, un avant, un arrière, un proche, un lointain. Le corps, il est le point zéro du monde, là où les chemins et les espaces viennent se croiser, le corps il n’est nulle part: il est au cœur du monde ce petit noyau utopique à partir duquel je rêve, je parle, j’avance, j’imagine, je perçois les choses en leur place et je les nie aussi par le pouvoir indéfini des utopies que j’imagine. Mon corps il est comme la Cité du Soleil, il n’a pas de lieu, mais c’est de lui que sortent et que rayonnent tous les lieux possibles, réels ou utopiques.
Après tout, les enfants mettent longtemps à savoir qu’ils ont un corps. Pendant des mois, pendant plus d’une année, ils n’ont qu’un corps dispersé, des membres, des cavités, des orifices, et tout ceci ne s’organise, tout ceci ne prend littéralement corps que dans l’image du miroir.
D’une façon plus étrange encore, les Grecs d’Homère n’avaient pas de mot pour désigner l’unité du corps. Aussi paradoxal que ce soit, devant Troie, sous les murs défendus par Hector et ses compagnons, il n’y avait pas de corps, il y avait des bras levés, il y avait des poitrines courageuses, il y avait des jambes agiles, il y avait des casques étincelants au-dessus des têtes: il n’y avait pas de corps. Le mot grec qui veut dire corps n’apparaît chez Homère que pour désigner le cadavre. C’est ce cadavre, par conséquent, c’est le cadavre et c’est le miroir qui nous enseignent (enfin, qui ont enseigné aux Grecs et qui enseignent maintenant aux enfants) que nous avons un corps, que ce corps a une forme, que cette forme a un contour, que dans ce contour il y a une épaisseur, un poids; bref, que le corps occupe un lieu. C’est le miroir et c’est le cadavre qui assignent un espace à l’expérience profondément et originairement utopique du corps; c’est le miroir et c’est le cadavre qui font taire et apaisent et ferment sur une clôture qui est maintenant pour nous scellée cette grande rage utopique…“
Michel Foucault: „Le corps utopiques“ Radio France 21.12.1966
